Proverbe/citation du jour
«Ceux qui s'avancent trop précipitamment reculeront encore plus vite.» -Mencius
Pourquoi je m'oppose à la souveraineté du Québec sous sa forme actuelle
En ce dimanche matin, je me permets de vous faire quelques confidences sur mon passé, des confidences qui vous permettront de mieux comprendre pourquoi je m'oppose à la souveraineté du Québec, du moins sous sa forme actuellement proposée. Vous allez constater que cela remonte loin en arrière et j'en ai long à écrire! J'ai souvent deux sinon trois sujets dans un billet, mais cette fois, il n'y en aura qu'un seul, vu sa longueur.
À la fin des années 1950, mon grand-père paternel est mort d'un cancer, ce qui a obligé mon père a quitter l'école très jeune, avec une neuvième année, afin de travailler pour subsister aux besoins de sa mère et de ses deux frères et de ses deux soeurs. Parce qu'il a complété des études au Nouveau-Brunswick, mon « paternel » avait une maîtrise de l'anglais supérieure à celle de la plupart des autres jeunes de son âge, plusieurs ne le parlaient pas du tout. C'est la raison pour laquelle Saul Shapiro, le propriétaire de la compagnie de magasins à rayons People's, l'a gardé comme employé après l'ouverture du magasin de Mont-Joli, ouverture pour laquelle neuf jeunes avaient été engagés pour placer les articles en vente dans le magasin, et parce que mon père était le seul capable de parler en anglais (cela était essentiel pour les communications avec le bureau-chef à Montréal), on l'a gardé lui, bien qu'il était le dernier des neuf jeunes engagés temporairement pour la préparation de l'ouverture.
Aurais-je besoin de préciser que pour mes parents la maîtrise de l'anglais par leur progéniture, c'était important? Heureusement, ils n'ont pas eu à se plaindre, j'aimais apprendre l'anglais, et dès ma cinquième année, grâce à notre enseignante, mon apprentissage a débuté. Cela m'a été utile par la suite, puisque je n'ai jamais eu de difficulté à me dénicher un emploi, que ce soit comme étudiant dans le domaine touristique, ou par la suite comme enseignant (j'ai pu travailler sans problème hors Québec et enseigner soit le français ou l'anglais à titre de langue seconde.)
Notre milieu a souvent une incidence sur notre positionnement politique. On n'a pas besoin d'une maîtrise en sciences politiques pour savoir que les gens évoluant dans les sciences sociales ont tendance à pencher vers des partis à tendance souverainiste prônant l'intervention de l'État au Québec. De mon côté, grandissant dans une famille de classe moyenne liée au milieu des affaires, vous vous doutez que politiquement parlant, ma famille était libérale. Or, être libéral, s'opposer à la souveraineté du Québec, travailler pour une compagnie «anglaise», sinon, pire encore, tout combiner cela, c'est un « péché » pour beaucoup de francophones du Québec, cela fait que tu n'es pas un « vrai » Québécois! Je me suis fait à plusieurs reprises «écoeurer» en lien avec cela dans mon enfance, dans un milieu gaspésien majoritairement francophone, souverainiste et, désolé de le dire mais c'est ça, pas très ouvert aux gens parlant d'autres langues, et pas seulement l'anglais!!!
À cette époque, à la fin des années 1970 et au début des années 1980, le PQ avait le haut du pavé au Québec. Le corps enseignant était majoritairement souverainiste, et certains enseignants ne se gênaient pas de le faire sentir, même en classe. Un jour, le personnel d'une école primaire que je fréquentais a distribué un dépliant portant sur le «salut au drapeau du Québec». Cet événement a été la première fois de ma vie où je me suis vraiment impliqué en politique, parce que je trouvais déplacés les gestes de quelques-uns de mes enseignants dans ce qui me semblait être une œuvre de propagande souverainiste auprès de jeunes enfants.
C'est aussi suite à mes expériences de cette époque, en plus d'autres vécus durant l'époque où j'étais enseignant, que je me suis convaincu QU'UN POLITICIEN EN EXERCICE N'A PAS SA PLACE DANS UNE ÉCOLE PRIMAIRE OU SECONDAIRE quand des élèves s'y trouvent, idem en ce qui concerne les garderies ou d'autres milieux où il y a des enfants dont l'esprit est malléable, ce qui fait d'eux des personnes ne disposant pas encore du sens critique nécessaire pour prendre position politiquement ou voter. D'ailleurs, la situation me semble empirer dans le Québec actuel sur ce plan. L'école et les centres de la petite enfance me semblent être de plus en plus utilisés pour des fins d'ingénierie sociale mais je n'élaborerai pas davantage ici sur le sujet!
J'ai flirté avec l'idée de la souveraineté alors que je militais pour la Commission jeunesse du Parti libéral du Québec en 1990 (j'étais au congrès de La Pocatière durant lequel la commission est devenue la première instance au sein du PLQ à soutenir l'idée de la souveraineté) mais je n'ai pas suivi lorsque Mario Dumont a quitté le parti pour fonder l'ADQ avec Jean Allaire. Les raisons figurent ici bas.
D'autres facteurs entre en ligne de compte en lien avec mon rejet de la souveraineté. J'ai connu à l'époque où j'étudiais en enseignement à l'université plusieurs futurs étudiants appuyant celle-ci. Lors de discussions avec certains d'entre eux, j'ai découvert que même s'ils militaient pour préserver le français, ces gens semblaient privilégier dans une multitude de cas leur confort matériel au détriment des enfants, dans le style «Je veux un Québec souverain où le français est la langue officielle, mais je ne veux pas d'enfants parce que ça coûte cher, alors on doit privilégier l'immigration francophone...» Non mais bordel! Comment crois-tu être crédible quand tu dis vouloir préserver ta langue et ta culture alors que tu veux faire passer ton stéréo, ta piscine ou ton voyage dans le Sud avant des enfants «de souche»?
J'ai enseigné durant une période de dix années, s'échelonnant d'avril 1994 à juin 2006, dans un milieu de travail où la souveraineté obtient l'appui de plusieurs. Croyez-moi que parfois j'en ai bavé!
Dans une école autochtone, le directeur adjoint de l'école, un blanc souverainiste pur et dur, s'est amusé à mettre sur mon bureau des chandelles rouges ou un drapeau canadien en plaçant un panneau « Federal Territory » bien en vue, ou en affichant sur le tableau destiné aux profs une image de Wolfe sur le point de mourir sur les plaines d'Abraham avec la mention : «1759, décès du premier ancêtre de P.A. au Canada»... Pourtant, je ne supporte même pas le fédéralisme actuel! Je trouvais simplement ridicules les caricatures mettant en vedette un Jean Chrétien à la bouche croche parce qu'à mon avis, un handicap ne doit pas servir de base comme attaque. Même chose en ce qui me concerne quand un magazine anglophone a mis en image un castor grugeant la jambe de bois de Lucien Bouchard, tout cela est une simple question de principe! En passant, ce même directeur adjoint a placé une télé dans la salle du personnel pour que l'on puisse suivre l'état de santé de Lucien Bouchard quand il a été atteint par la bactérie mangeuse de chair. Je ne crois pas qu'il aurait fait la même chose si Jean Chrétien en aurait été affecté!
Il m'est arrivé d'argumenter avec des enseignants sur le fait que je m'oppose à ce que mes cotisations syndicales servent à soutenir la cause souverainiste de manière directe ou indirecte, en plus de financer des causes «sociales», et que je crois que celles-ci doivent uniquement servir pour la défense des travailleurs. Je me suis fait servir comme réponse «que parce que la majorité des enseignants sont souverainistes et croient que l'État doit intervenir, c'est juste que les cotisations puissent servir à ces fins.»
Que dire des gens au Québec qui disent que les francophones sont persécutés hors de celui-ci sans jamais y avoir travaillé, voire même mis les pieds? Durant mes quelques 18 mois comme prof à Terre-Neuve et au Labrador, et durant mes trois années comme enseignant dans un village cri, je n'ai jamais fait l'objet d'une discrimination inacceptable. Bien sûr que c'est arrivé à quelques reprises que je me fasse crier «Fuckin' French» dans la rue, mais je ne fais pas un cas de cela.Le plus comique dans tout ça est que j'ai passé moins d'un mois à Sainte-Anne-des-Monts avec ma voiture immatriculée à Terre-Neuve et à trois occasions durant ce temps j'ai été victime d'attaques verbales où on m'a traité de "Newfie", alors imaginez la réaction des gens qui me chantaient des bêtises quand je leur répondais en français en disant que je suis originaire de la Haute-Gaspésie!
À plusieurs reprises, lorsque j'ai reçu en visite des amis anglophones ou d'autres origines et que nous avions le « malheur » de parler en anglais en public (dans un bar ou même dans un parc avec les enfants de ma blonde, d'origine montagnaise, qui parlaient à leur mère dans leur langue maternelle) j'ai vu des gens nous dévisager, parce que lorsque tu parles dans une autre langue, ça les DÉRANGE. Drôle de constater que des gens veulent qu'on respecte leur langue mais qu'ils ne soient pas foutus de respecter des gens d'une minorité autochtone parlant entre eux dans leur propre langue dans ce qui est leur pays au même titre que pour les franco-québécois!
Et que dire maintenant des gens qui disent vouloir préserver le français grâce à la souveraineté? Difficile pour moi de ne pas en rire à me fendre la gueule quand j'y pense : j'ai croisé bien des gens qui disent que la souveraineté va préserver le français et ces gens ne sont même pas foutus d'écrire une phrase sans faire dix fautes. J'ai même eu sous les yeux des textes écrits par des députés souverainistes qui en « arrachaient » pas à peu près. Idem en ce qui concerne des gens du milieu éducatif qui parlent et écrivent un français bourré de fautes! Comment voulez-vous défendre votre langue si vous n'êtes pas foutus de la parle et de l'écrire adéquatement? Ce ne sont pas des lois comme la Loi 101 qui vont sauver le français au Québec, mais le fait que les gens le maîtrisent bien et sur ce plan, malheureusement, c'est mal parti!
En faisant le cumul de tout ce que j'ai énuméré ci-haut, j'espère que vous comprenez mieux pourquoi je m'oppose à la souveraineté telle que présentée au peuple sous sa forme actuelle. Je ne vois pas là dedans un projet rassembleur, mais un «repli sur soi-même», une peur cachée de ce qui est étranger, et peut-être même dans le fin fond du projet une pensée inconsciente que le peuple québécois est né pour un petit pain!
Je n'ai même pas besoin de faire entrer dans l'équation les arguments de nature économique (comme la péréquation, etc.) pour fixer mon choix. Je me dis que lorsque des gens souhaitent un projet du genre, mais ne sont pas capables de parler et d'écrire leur langue maternelle adéquatement, d'être ouvert à l'apprentissage d'autres langues et ne veulent pas avoir d'enfants, préférant leur confort personnel et l'immigration pour assurer la croissance de la population, le projet est pourri par les racines.
Pour conclure, si vous me disiez que demain matin, le peuple du Québec se tournait vers un nationalisme basé sur l'idée que les gens se retroussent les manches et bâtissent un avenir meilleur pour les générations à venir, et ce avec un État moins interventionniste, laissant plus de liberté et de responsabilités entre les mains des citoyens, il se pourrait fort bien que j'y prenne aussi part, mais ce ne sera jamais le cas avec le format actuel de souveraineté qu'on nous présente!