"La vision est l'art de voir les choses invisibles." -
Jonathan Swift
Mon
point de vue sur «Idle No More»
Que penser du mouvement «Idle No More» qui fait présentement
sentir ses effets d'un océan à l'autre? La question m'a été posée
à quelques reprises au cours des dernières semaines mais j'ai
préféré prendre du recul avant d'aborder le sujet dans un billet.
Je suppose que ma perspective de la question autochtone au Canada
diffère de celle de la majorité de la population blanche pour
plusieurs raisons. En effet, la moitié des dix années de ma vie
passées comme enseignant se sont déroulées sur des réserves. J'ai
travaillé dans deux écoles montagnaises gérées par un conseil de
bande, de même que pour la commission scolaire Crie, et en habitant
dans des milieux isolés du Nord, même s'ils étaient
majoritairement blancs, j'ai été en contact avec des autochtones
qui étaient présents sur place également.
Je n'ai pas ménagé mes efforts pour mieux comprendre les réalités
autochtones. Afin d'approfondir ma connaissance du milieu, j'ai été
jusqu'à vivre au sein d'une famille autochtone et j'ai appris les
rudiments de la langue, ce qui m'a été utile pour enseigner plus
efficacement la grammaire française aux élèves parce que je
pouvais dresser diverses analogies et différences avec le montagnais
et le cri.
Je considère conséquemment que par mes expériences, j'en sais
beaucoup plus les nations autochtones que la plupart des Blancs, ce
qui me permet de ne pas tomber dans les stéréotypes trop souvent
véhiculés que «Les indiens sont tous sur le BES, vivent dans des
maisons subventionnées qu'il démolissent et ne paient pas de
taxes.» S'il fallait uniquement se baser sur des critères du genre
pour définir ce qu'est un indien, plusieurs quartiers blancs
défavorisés pourraient être considérés comme des réserves!
Pour en revenir au sujet central de ce billet, à mon avis, le
mouvement «Idle No More » est légitime. Un autochtone a le
droit autant que n'importe lequel citoyen au pays de manifester son
mécontentement face à diverses situations.
Par contre, bien que je ne doute pas de la bonne volonté de nombre
de manifestants liés au mouvement, je crois que ceux-ci, bien avant
de critiquer les sommes d'argent qui leur sont allouées, doivent se
demander s'il ne faut pas d'abord faire le ménage dans
l'administration des réserves. Triste à dire, mais la gestion
déficiente et la corruption font en sorte que des millions sont
gaspillés chaque année, et que pendant que des gens dans le besoin
souffre, des amis du système en place en profitent pour se graisser
la patte. Cet état des choses doit cesser et c'est aux habitants des
réserves d'y voir en faisant en sorte de surveiller de près ce qui
se passe dans les conseils de bande et en élisant des personnes
compétentes pour gérer le système.
La question du « paternalisme » du gouvernement est
souvent évoquée également. Sur ce plan, je crois que le problème
ne touche pas que les autochtones. Il suffit de regarder autour de
nous pour constater que cette déresponsabilisation des gens
ordinaires par les autorités en place est un phénomène qui touche
autant la communauté blanche que les réserves.
Je crois qu'on peut faire de nombreuses analogies entre la situation
économique et sociale de la Haute-Gaspésie et celle des réserves :
chômage, décrochage, problèmes de toxicomanie et d'alcoolisme y
frappent durement et dans tous ces milieux règne un triste état de
dépendance envers les autorités supérieures.
Ce n'est
pas en donnant davantage d'argent ou d'alcool à une personne
souffrant d'un problème de boisson qu'on l'aide à s'en sortir. Il
faut d'abord que la personne prenne conscience de son état, cesse de
blâmer les autres pour son propre malheur en reconnaissant sa part
dans le problème, et qu'elle soit animée d'une volonté sincère de
s'en sortir, pour que survienne une prise de responsabilités pour
que la situation change.
Les
autochtones du Canada doivent réfléchir à tout cela, tout comme
une multitude d'autres citoyens qui vivent une situation qui est loin
d'être si différente quand on s'arrête pour y penser.
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